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VIBREVANZ BLOG 2014
VIBREVANZ BLOG 2014
13 février 2011

ALLAIN LEPREST

ALLAIN LEPREST

Don Quichante de la Manche

 

 

« La beauté de ses chansons m’a pris de plein fouet, ainsi que son interprétation et ses qualités de chanteur-diseur. J’ai vraiment vu une torche de talent…/… Il a également un sens assez rare pour moi : le sens de la belle métaphore. Ce que j’appelle le “cinémot”… » (Claude Nougaro, Chorus 41, automne 2002)

 

 

Né le 3 juin 1954 à Lestre dans la Manche, Allain Leprest en aura à jamais l’âme trempée, imprégnée de ce Cotentin aux appels maritimes. Enfance à Rouen, adolescence en proche banlieue aux noms enracinés (Mont-Saint-Aignan, Petit-Quevilly), il grandit dans un milieu populaire « très chouette avec les moyens du bord » et où « tout tournait autour de la chanson » ; agent d’entretien à la vocation contrariée de menuisier-charpentier, son père adore le music-hall et sa mère (bordelaise) chante sans cesse. La radio ouvre toute grande à Allain sa porte sur le monde et l’imaginaire, il commence à griffonner ses premiers poèmes ; il se révèle aussi doué pour le dessin et la peinture, passion qu’il ne cessera de développer. Alors qu’il prépare son CAP de peintre… mais en bâtiment, un de ses professeurs donne à lire Ernest Hemingway et Roger Vailland. La passion des mots se précise pour le jeune homme qui ressent un véritable « déclic » lorsqu’il voit pour la première fois deux jeunes chanteurs sur scène. Une guitare lui étant peu après offerte, il décide d’essayer à son tour.

 

De Ferré à Ferrat, de Piaf à Rimbaud

 Malgré l’obtention de son CAP, il jouera très peu du pinceau des chantiers, multipliant les métiers, d’agent d’entretien à éducateur de rue en milieu sensible. Il s’en nourrit, s’en inspire, se risque en duo, en trio, intègre le Collectif Chanson 76 (Seine Maritime), se produit ici et là dans des petits lieux de la région. Entre temps, un disque l’a bouleversé : Léo Ferré, La Mémoire et la mer. « Ça a déterminé beaucoup de choses. Je n’y comprenais rien… et pourtant, c’était beau, c’était magique ! » En 1981 (année de la naissance de sa fille Fantine), il décide de franchir le pas professionnel, édite un recueil de vingt poèmes (Tralahurlette) qu’un ami incite Henri Tachan à préfacer. Le même ami en profite pour démarcher les maisons de disques et accroche Gérard Meys, l’éditeur de Jean Ferrat. Quelques mois plus tard, Leprest s’installe à Paris avec femme et enfant.

Sillonnant dès lors les cabarets, il écrit avec Ferrat Le pull-over pour Juliette Gréco en 1983, puis quelques autres chansons les années suivantes, telles J’ai peur et Sa montagne, respectivement interprétées par Karim Kacel et Isabelle Aubret. En mars 1985, c’est la « révélation » ! Accompagné par son pote accordéoniste rouennais Bertrand Lemarchand, il emballe public et professionnels du Printemps de Bourges. Cerise sur le gâteau, il rencontre Romain Didier, avec lequel il va conjuguer écriture et amitié, quatre titres (dont l’un devenu phare, La retraite) apparaissant dès le premier album de l’automne 1986 : Mec. Par un sens du portrait et de la saynète quotidienne où se débattent des frangins-frangines ballottés par la vie (Mec, Bilou, Dans le sac à main de la putain, Y’a rien qui s’passe), Allain impose un univers à la Duvivier, une poésie à la Doisneau, une petite musique existentielle de l’indécision humaine.

En 1987, il passe en première partie d’Isabelle Aubret à l’Olympia et l’année suivante, il investit la scène du Théâtre de la Ville armé de son deuxième album, 2, où son coup de pinceau persiste et signe (Saint Max, Joséphine et Séraphin) avec un clin d’œil ému à ses racines (Mont-Saint-Aignan) et un premier hommage au bistrot, son Café littéraire. Après Édith dans le premier album, c’est Rimbaud qu’il salue ici. Tout un symbole.

 

La java Saravah

S’il écrit pour Romain Didier sept des douze textes de Place de l’Europe (1989), il traverse deux années de doute scénique alors même qu’il est accompagné par Paul Castanier, le pianiste historique de Léo Ferré, autre symbole. Il rebondit magnifiquement en rencontrant Richard Galliano (accordéoniste de Nougaro et Lavilliers), avec lequel il enregistre en direct Voce a mano (1992) produit par Pierre Barouh. Clin d’œil à la maison de disques de celui-ci, l’album s’ouvre sur La java Saravah, et épouse musicalement l’esprit du chanteur au fil de titres qui vont marquer. Des titres signés dudit Galliano (La gitane, C’est peut-être) ou de Romain Didier (Je viens vous voir) et qu’on retrouve dans la foulée au Théâtre Clavel (précédés par Le Gardien du phare, première pièce de théâtre d’Allain, interprétée par Jean-Luc Guillotin, son ami éducateur), puis en 1993 au Théâtre Dejazet, au festival de Montauban et aux Francofolies de La Rochelle. La même année, Allain reçoit le Grand prix de l’Académie Charles Cros, un Coup de cœur de la Sacem, et Jean-Louis Foulquier (France Inter) grave tout un album éponyme (et superbe !) essentiellement griffé Allain Leprest / Romain Didier.

Ce dernier signe les arrangements et la moitié des mélodies de l’opus 4 de son ami, qui paraît début 1994, avec des chansons qui vont constituer l’ossature du tour de chant créé en mars au Théâtre d’Ivry (la ville d’Allain) et qui va tourner près de 300 fois à travers la France : Le copain de mon père, Sur les pointes, Mon Zippo, Chien d’ivrogne, Je ne te salue pas… Dans cette dense galette, outre l’irrésistible Je hais les gosses de Leprest himself, figurent encore quelques incontournables, sur des musiques de fidèles, tels Il pleut sur la mer et D’Osaka à Tokyo (Étienne Goupil), Le Père La Pouille et Sacré coco (Gérard Pierron). Bien qu’Allain dénie toute chanson « engagée », ses personnages meurtris par la société accusent de fait un système et Sacré coco pointe sans ambiguïté son compagnonnage fondamental avec le PC.

 

Haut-couturier, Nu mais très entouré

En 1995, Allain autoproduit un remarquable live capté à l’Olympia en compagnie de trois musiciens : Il pleut sur la mer. Dans le même temps, il poursuit un travail entrepris l’année précédente avec son copain Pierron pour Francesca Solleville, rencontrée quelques saisons plus tôt à Antraigues, le nid ardéchois de Jean Ferrat : après l’album Al dente, une dizaine d’autres chansons sur mesure permettent à l’interprète de créer un spectacle complet. Avec son compère Romain Didier, Leprest ne chôme pas non plus dans ces années 1996-97, entre Francilie (pour les 20 ans de la Région Île de France) et l’opéra pour enfants Pantin Pantine, qui sera présenté à l’Oympia et dont le récitant s’appelle Jean-Louis Trintignant.

Début 98, Allain sort un 5e album inédit, Nu… mais très entouré, puisqu’y participent de nouveaux compositeurs et non des moindres : Kent (Rouen), Jacques Higelin (La Courneuve), Philippe-Gérard (Le dico de grand-mère), Gilbert Laffaille (Quand j’ai vu j’bois double)…

En 1999, Catherine Trautmann, Ministre de la Culture et de la Communication, lui remet un Grand Prix National de la Musique ; la même année, une tuberculose le contraint de longs mois à l’hôpital, alors qu’il se montre très présent comme auteur dans l’album Les ailes de Jehan. Au tournant du siècle, il repart en spectacle avec ce dernier et Loïc Lantoine (Ne nous quittons plus), offre cinq chansons à Enzo Enzo pour son Jour d’à côté de 2001, année où il est fait Chevalier dans l’ordre national du mérite. En 2002, un second live, Je viens vous voir… réunit de nombreuses anciennes chansons ; en 2003, sous le même titre paraît la première biographie le concernant, sous la plume de l’écrivain et essayiste suisse Thomas Sandoz.

 

Avec Tacet, le renouveau

En 2005, après avoir à nouveau collaboré à différents projets (avec Enzo Enzo, Daniel Lavoie, Christophe Bonzom…), sept ans après Nu, Allain enregistre son 6e album studio au titre de circonstance : Donne-moi de mes nouvelles. C’est le début d’un travail de longue haleine avec Didier Pascalis de Tacet Productions, la complicité retrouvée avec Romain Didier, en compagnie du guitariste Thierry Garcia. Quelques grandes chansons marquent d’emblée ce renouveau (Donne-moi de mes nouvelles, Le temps de finir la bouteille, Une valse pour rien…), ainsi que deux duos, l’un avec Olivia Ruiz, l’autre avec le comédien Philippe Torreton, le spectacle étant créé à Paris en novembre au Théâtre Sylvia Monfort.

Fort de l’excellent accueil suscité, Allain commence à plancher sur un nouvel album lorsqu’en octobre 2006, il apprend qu’il est atteint d’un cancer. Didier Pascalis conçoit alors l’idée d’un « regard d’artistes du métier sur sa dimension d’auteur » et en compagnie de Romain Didier et de deux musiciens, quinze interprètes de haut vol habitent littéralement Chez Leprest (novembre 2007) : Olivia Ruiz, Daniel Lavoie, Jacques Higelin, Loïc Lantoine, Sanseverino, Mon côté punk, Michel Fugain, Nilda Fernandez, Hervé Vilard, Agnès Bihl, Jean Guidoni, Enzo Enzo, Jamait, Jehan, Fantine Leprest. Si Allain reprend doucement les concerts un mois plus tard (Théâtre du Renard) sous l’intitulé Je viens vous revoir, la plupart de ces artistes remettent le couvert le 12 mars 2008 au Bataclan, pour une soirée d’une émotion intense aux côtés de leur hôte.

Quelques mois plus tard, début décembre, il sort son 7e album, dense, d’une beauté âpre, plus intime, où chaque instant prend toute sa dimension unique de tendresse et d’amour, Quand auront fondu les banquises, qu’il présente formidablement sur scène le 11 avril 2009 à l’Alhambra. Dès lors, le chanteur et son producteur décident d’aller jusqu’au bout de leur démarche et Tacet prend en charge la production et et la carrière scénique d’Allain. Grand Prix In Honorem de l’Académie Charles Cros pour l’ensemble de son œuvre, le phoenix (qui s’est accordé entre temps une parenthèse fraternelle au Chant du Monde avec François Lemonnier, Parol’ de Manchot) renaît de ses cendres, repart de plus belle de scènes en festivals où le public est aux anges.

 

Aujourd’hui, en guise d’apothéose, s’élève la Cantate pour un cœur bleu, hommage « foudroyant » à la Méditerranée (comme aurait dit Nougaro), une nouvelle œuvre signée avec l’ami Romain Didier, également au chant avec Enzo Enzo, Jean-Louis Trintignant comme narrateur, le tout somptueusement accompagné par un chœur d’enfants, un ensemble de cordes, un piano, des guitares et des percussions.

 

Cet automne, sortira le volume 2 de Chez Leprest, où de nouveaux artistes revisiteront à leur tour l’auteur d’exception ; cet enregistrement fera l’objet d’un coffret comprenant le volume 2 et le DVD du Bataclan (Vol 1). Courant 2010, c’est au centre d’un long-métrage du cinéaste canadien Damian Pettigrew qu’Allain apparaîtra ; un film documentaire sur sa vie et son œuvre (concerts, moments quotidiens, entretiens intimes, virées entre amis…) à partir de plus de 70 heures d’images depuis les premières prises au Théâtre du Renard en décembre 2007.

 

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